INTERVIEW - Blaze Bayley (2010)

Grandeur et décadence… Rarement parcours aura semblé plus ardu et incertain que celui de Blaze Bayley. Catapulté au sommet par son arrivée dans Iron Maiden en 1994, l’Anglais s’était lancé dans une carrière solo prometteuse, rapidement torpillée par une industrie du disque impitoyable. Mais le vocaliste s’est relevé, une fois de plus, comme le prouve le très convaincant ‘Promise And Terror’. Rencontre touchante avec un homme à l’inébranlable volonté.



- Après deux mois passés sur la route à jouer tous les soirs, la fatigue commence-t-elle à se faire sentir ?

Ça va. Mais on a tous chopé une crève carabinée en début de tournée et ça n’a pas été simple de s’en remettre, sans vrais days off. Chaque jour où nous ne jouons pas, il faut aller à l’ambassade pour un visa, régler des détails avec notre label… Mais j’ai réussi à garder ma voix. Certains soirs, j’ai dû changer un peu la setlist pour me reposer mais dans l’ensemble, on survit assez bien. C’est cool d’aller vers le beau. Quand on a commencé la tournée, il neigeait. Là, le temps se réchauffe doucement. Notre état de fatigue ne compte pas ; ce qui est important c’est qu’à chaque concert, les fans semblent heureux… Ils apprécient le concert, achètent notre merchandising… Je n’arrive pas à croire que ces dates se passent aussi bien ! On a bientôt un jour de repos, à Osnabrück. Notre plan est de s’enfermer à l’hôtel, chacun dans sa chambre. On ne se parle pas pendant vingt-quatre heures, on ne se sent pas ! Je n’ai qu’une paire de bottes sur cette tournée et, crois-moi, elle pue. Ce sont les pires godasses que je n’aie jamais portées ! Je suis là à me demander d’où vient cette puanteur et, tout à coup, je réalise : ‘Putain, c’est moi !’ (rires). Dès que je le pourrai, je m’achèterai de nouvelles pompes et je vendrai celles-ci sur eBay. Les bottes de Blaze Bayley (rires) !

- Votre approche sur cette tournée est très rock’n roll…

Oui, on fait les choses tellement à l’ancienne que c’en devient nouveau car plus personne ne tourne de cette manière. On n’a pas de décors de scène ni de costumes, pas d’équipe… On essaie de maintenir nos frais au plus bas, on dort dans des hôtels Formule 1 ou chez des fans. On fait tout pour que le prix du ticket reste abordable. Nous ne voulons pas perdre de fric à tourner un clip qui passera ou ne passera pas sur MTV. L’essentiel est de jouer, de rencontrer nos fans. Voilà comment nous assurons la promotion de l’album : en nous produisant dans chaque salle, chaque bar, chaque ville, partout en Europe !

- Cela a-t-il déjà donné lieu à des situations inattendues ?

Oh oui ! Aujourd’hui, nous n’avons pas été foutus de trouver la Suisse. Notre GPS a foiré et nous a gardés en Italie pendant plus d’une heure avant que nous ne trouvions la bonne route. Les policiers italiens nous ont arrêtés deux fois pour des histoires de drogues… Ils nous ont demandé si on avait de la came. Je leur ai montré mes médicaments – je souffre de dépression. Merde ! On n’est pas un groupe de rock, on fait du metal ! On n’est pas branchés drogues. On boit quelques bières, point. Ce qu’on veut, c’est être au sommet de notre forme à chaque concert, écrire les meilleures chansons possibles. Faire partie de ce groupe n’a rien à voir avec combien de Jack Daniel’s tu peux écluser, combien de fois tu t’es retrouvé en cure de désintox, à quel point tu peux te défoncer... Pour moi, un groupe qui agit de la sorte est faible et sa musique n’a aucune crédibilité.

- Cette tournée passe par des bars minuscules… Ça n’est pas frustrant après avoir connu les grandes salles, au sein de Maiden ?

Crois-moi, c’est génial d’être célèbre : tu te marres bien. Mais ça ne t’aide qu’à obtenir des bières gratuites, c’est tout. Ça ne paie pas ton loyer, ça ne te nourrit pas, ça ne met pas d’essence dans ton réservoir… Ce qui m’importe au quotidien, c’est d’être le meilleur chanteur possible, de rencontrer mes fans et de leur montrer que mes chansons valent quelque chose. Tu sais, c’est ce que j’ai toujours voulu faire ! Je l’avais dit à mon management de l’époque. Mais on m’a répondu : ‘Non, tu es Blaze, tu vaux mieux que ça. Tu dois jouer dans des grandes salles.’ Résultat des courses, personne ne m’a vu en concert car je n’en ai pas donné ! L’album ‘Silicon Messiah’ est un enfant mort-né : j’ai tout mis dans ce disque, j’en étais très fier mais il n’a reçu aucune promo. ‘Promise And Terror’, cette tournée, c’est un retour aux sources, à ce que devrait être la musique, à ce que j’ai toujours voulu ! Et ça a l’air de marcher : on n’a jamais joué devant autant de monde…

- Le fait d’avoir sorti ‘Promise And Terror’ sur ton propre label a-t-il aidé à mettre en place cette idée de retour aux sources ?

D’une certaine manière… Personne ne peut nous dire quoi que ce soit. Personne ! Nous sommes libres. Mais la liberté est très chère. Tous ceux qui croient que c’est un droit fondamental se trompent : c’est quelque chose que tu dois acquérir. Nous sommes libres de jouer où nous voulons, d’appeler un club pour leur demander s’ils veulent de nous ou non. Mais ça demande un immense travail ! Quand tu es sur un gros label, on te file de la thune, on t’offre un joli clip, la chance d’être dans tous les magazines et, de temps à autre, tu pourras ouvrir pour Metallica, Iron Maiden… Et si ton album ne se vend pas, tu es mort. Ils se ficheront de savoir si tu es bon ou non ! Si tu signes sur un label, il se peut très bien que ton disque ne voie jamais le jour ! Ça peut être ton plus bel album, ça ne dépend pas de toi. En tant qu’artiste, ce genre de chose peut t’achever ! Quelle sorte de liberté est-ce là ?

Tu sembles remonté contre l’industrie du disque… Es-tu surpris par la faillite de ton ancien label, SPV ?
Je suis vraiment heureux. Ça ne m’étonne pas du tout. Ils ont été cupides, là où ils auraient dû faire preuve de réalisme. Ils ont signé trop de groupes et n’ont rien fait pour eux. Ils ont eu plein d’opportunités, ont sorti d’excellents disques qui auraient pu cartonner. Ces mecs m’ont menti, m’ont fait chanter, m’ont trahi… Tout ce que je leur souhaite, c’est de choper une maladie vénérienne.

Crois-tu que l’effondrement de l’industrie musicale puisse amener un retour à l’esprit rock, où chacun fait avec les moyens du bord ?
Je n’en sais rien. Ce dont je suis sûr c’est que, dans les années nonante, j’ai vu des dizaines de groupes qui auraient mérité de décrocher la timbale mais qui sont passés à la trappe, à cause du manque de confiance de leur label. En ce qui nous concerne, nous sommes désormais en marge de ce cirque. Ce n’est pas une vie facile mais, au moins, nous la contrôlons. Seuls les fans nous soutiennent, pas les maisons de disques. S’ils n’aiment pas nos albums, s’ils refusent d’acheter nos T-shirts, alors on arrêtera. Le dernier concert de cette tournée aura lieu à Dudley, en Angleterre, le 18 décembre. Nous y enregistrerons un album live. Si on tient jusque-là, si on termine cette tournée, alors nous aurons accompli quelque chose de spécial.

Tu parles beaucoup de liberté, de lutte… Te sens-tu proche des personnages que tu évoques sur ‘Promise And Terror’ – Galilée, Chostakovitch… ?
Oui ! Une seule personne qui a raison alors que le monde entier a tort mais continue de nier l’évidence et affirme ‘JE sais ce qui est vrai, JE détermine les faits, la vérité’… Pour moi c’est un concept énorme ! Je revisite ce thème au fil de mes albums. Notre chanson est très simple mais la tension entre Galilée et l’Inquisition était tellement riche ! Idem pour le personnage de Burt Munro, dont je parle dans ‘God Of Speed’. Il avait passé soixante ans quand il est allé aux States pour battre le record du monde à moto. Tout le monde lui disait : ‘Oublie ça, tu es trop vieux, ta moto aussi, tu vas te casser la gueule ! Pourquoi tu n’abandonnes pas !?’ Mais il a insisté et il a réalisé son pari. Être obstinément aveugle t’aide parfois à réussir. Oh et l’histoire de Chostakovitch était aussi dans ma tête depuis un moment. Les gens de Leningrad mouraient par centaines, ils étaient encerclés par les Allemands, ils mangeaient n’importe quoi pour survivre, même leurs chaussures. Au milieu de ce chaos, Chostakovitch, mort de faim, acculé, a ressenti le besoin d’écrire une symphonie, de dire ce qui se passait. Il a rassemblé les derniers musiciens vivants dans la ville pour la jouer. Ils ont diffusé cette pièce dans les rues, grâce à des haut-parleurs. En l’entendant, un général allemand a déclaré : ‘À ce moment précis, j’ai su que nous ne prendrions jamais Leningrad.’ J’ai traversé des moments très noirs dans ma vie (NdR : dont le décès de sa femme et manageuse). Alors qu’un musicien ait réussi à faire quelque chose d’aussi grand dans un moment de désespoir total : oui, ça m’inspire !

www.blazebayley.net

Dave

Interview réalisée le 22 mars 2010 à Collombey

C’est génial d’être célèbre, tu as des bières gratuites

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mis en ligne le : 25.07.10 par graber

INTERVIEW - Avantasia (2010)

Avantasia, le projet solo du leader d'Edguy, Tobias Sammet, est de retour ! Avec non pas un mais deux albums : ‘The Wicked Symphony’ et ‘Angel Of Babylon’. Une nouvelle fois parsemés d'invités tous plus prestigieux les uns que les autres (notamment le chanteur de Scorpions, Klaus Meine), ces deux disques conceptuels forment la suite et la conclusion de l'histoire débutée dans ‘The Scarecrow’, paru en 2008. Entretien avec ce Tobias toujours très sympathique.



- Les deux nouveaux albums d'Avantasia viennent juste de sortir il y a quelques jours. Quel est ton sentiment à ce propos ?

Eh bien tu sais, en fait je ne peux plus faire grand-chose à ce stade-là... (rires)

- Mais est-ce que tu as déjà quelques bons retours, de la part de la presse et des fans ?

En fait j'essaie de ne pas trop regarder, car quoi que tu fasses il y aura toujours des bonnes critiques et des mauvaises. Cela dit, je peux te dire que les premières réactions sont vraiment excellentes, c'en est presque effrayant (rires). J'ai aussi eu des réactions de fans sur mon site Internet, et on dirait que les gens sont plutôt ravis. On me demande souvent si je suis nerveux pour la sortie d'un album, mais tu sais, j'étais plus impliqué lorsque je le produisais ! Maintenant, je ne suis plus le pilote, je suis juste un passager. L'avion a décollé et je ne le pilote plus, c'est le destin. Je ne peux plus rien changer, ce qui est plutôt bien. Là j'espère juste être numéro un (rires) !

- En parlant de la presse, j'aime beaucoup la citation de Frank Zappa que tu as mise sur la page d'accueil de ton site, la définition du journalisme de rock : des gens incapables d'écrire, interrogeant des gens incapables de penser, dans le but de faire des articles pour des gens incapables de lire...

Frank Zappa est un dieu. Il a un sens de l'humour si subtil, c'est génial ! Ce gars se foutait de la gueule de la presse, mais il se foutait également de la gueule des fans, et aussi de lui-même. Se rire de tout, je trouve ça vraiment excellent.

- Et quelle est ta propre opinion sur la presse musicale ?

Tu sais, il y a différentes sortes de journalistes... Dans le passé, certains m'ont fait péter un plomb, mais je suis maintenant vacciné (rires). Si tu aimes la musique, c'est vraiment génial de choisir un groupe que tu apprécies et d'écrire quelque chose à son propos ou de faire une interview. Même si c'est pour poser des questions critiques, pas de souci ! Mais j'ai le sentiment que parfois certains journalistes, – et pas que des journalistes d'ailleurs, c'est plutôt un trait de caractère – s'occupent uniquement de choses qu'ils n'aiment pas ; ils attendent juste de pouvoir casser un groupe ou une personne, en écrivant des choses vraiment méchantes. C'est cela que je déteste vraiment : détruire juste dans le but d'avoir cinq minutes d'attention. Et je ne trouve pas correct d'utiliser mon travail ou de dire du mal de moi pour attirer l'attention et se faire de l'argent sur mon dos. Mais d’une façon générale, je n'ai rien contre la presse musicale, car au final nous sommes tous les mêmes. Je suis un fan de musique, j'écoute des albums et toi aussi tu es un fan de musique qui écoute des albums.

- Et maintenant la question à laquelle tu as probablement dû déjà répondre maintes fois : pourquoi deux albums ?

Car il y avait trop de chansons pour un seul album (rires) ! En fait c'est assez simple, tu sais : à l'époque de ‘The Scarecrow’, nous avions déjà assez de titres pour faire deux albums. Mais nous savions que nous ne voulions pas faire un album en deux parties. Nous avons donc fini la production des premières onze chansons pour finir ‘The Scarecrow’ et nous avons mis le reste du matériel de côté. En 2009, nous sommes retournés au travail pour finir ces neuf ou dix titres qui avaient été mis en attente. Des compositions qui n'en étaient pas pour autant moins bonnes ! Mais j'avais également eu d'autres idées entre-temps... Je me suis dit que j'allais en faire trois ou quatre de plus, puis cinq ou six, puis soudainement je me suis retrouvé avec vingt-deux pistes. Nous avions donc deux options : les sortir en tant que double album ou alors en tant que deux albums individuels dans la boîte d'un double album. Et je voulais vraiment leur donner une identité individuelle, car je n'aime pas la réputation de la plupart des doubles albums. Pour moi, un double album c'est toujours quelque chose comme quatorze chansons, trois interludes, et des passages de narration avec beaucoup d'instrumentaux et de drôles de sons (rires), tu sais ce genre de choses. Je ne voulais vraiment pas faire ça.

- De quelle façon travailles-tu pour composer ?

Je commence toujours avec l'aspect musical. Cela peut être un refrain, une mélodie, ou un riff, juste quelque chose sur lequel se baser pour la suite. Je regroupe ensuite toutes mes idées. J'analyse, je sens l'humeur de la musique et de la chanson, afin de trouver des connotations ou des associations avec certains passages de l'histoire. Je pense qu'une bonne partie de ce travail se fait inconsciemment, mais je commence vraiment toujours avec la musique.

- Est-ce que quand tu commences à composer, tu sais depuis le début si cela va être un titre d'Avantasia ou d'Edguy ?

Tu sais, je ne veux vraiment pas devoir me concentrer sur trop de choses en même temps. Donc quoi que j'aie sur la table, je l'utilise pour le projet en cours. Si je travaille sur un album d'Edguy, ce sera donc une chanson d'Edguy. J'essaie toujours d'écrire la meilleure mélodie, le riff le plus puissant. Cela n'aurait vraiment pas de sens de commencer à trier du matériel, genre ‘cela va à gauche, cela va à droite’. C'est trop d'organisation ! On ne devrait jamais penser à la deuxième étape avant la première. Mais c'est effectivement arrivé qu'il y ait un ‘incident’ : pour le dernier album d'Edguy, ‘Tinnitus Sanctus’, nous avons pris le titre ‘9-2-9’ qui avait été composé à la base pour Avantasia mais qui n'avait pas encore de paroles. J'avais juste le sentiment que c'était un titre génial qui pouvait rendre cet album encore meilleur. Voilà donc comment une chanson d'Avantasia est devenue une chanson d'Edguy !

- Concernant tous ces fameux invités, était-ce dur de les convaincre ou il t'a suffi de les appeler et leur poser la question pour qu'ils te répondent tout de suite par l'affirmative ?

Eh bien cela s'est presque exactement passé comme ça. Je n'ai jamais vraiment eu besoin de convaincre qui que ce soit. Enfin oui, j'ai essayé de convaincre Russel Allen en lui disant : ‘Ok, tu vois, sur cet album on a notamment Klaus Meine et Ripper Owens, sur le dernier j'ai eu Alice Cooper, Bruce Kulick et Eric Singer. Est-ce que tu as envie d'être aussi sur l'album ?’ Et il a dit : ‘Oui, oui, oui, je vais le faire !’ (rires) En fait c'est assez simple, soit les gens ont envie de participer, soit ils ne veulent pas. Pas besoin d'essayer de les convaincre ! Même pour Klaus Meine, je ne pensais pas que ce serait aussi facile. On se connaissait déjà, car Edguy a joué avec Scorpions et Rudolph Schenker avait joué sur le dernier Avantasia. Je lui ai donc simplement posé la question, il a écouté la piste et il a accepté. En fait, ils m'ont donné le sentiment, et cela me rend très fier, qu'ils voulaient vraiment faire partie de cet album. C'est plus simple que de devoir tirer quelqu'un jusqu'au studio en espérant qu'il change d'avis (rires) !

- As-tu essuyé quelques refus ? Des gens que tu aurais bien voulu avoir sur les albums ?

Oui, il y en a eu quelques-uns. Je voulais avoir Steve Lee, mais Gotthard était trop occupé avec son nouvel album et la tournée avec Europe. Cela n'a donc pas fonctionné. Je voulais aussi avoir Sebastian Bach, le gars de Skid Row, mais cela n'a également pas été possible. J'ai aussi voulu avoir à un moment un solo d'Eddie Van Halen, mais j'ai seulement réussi à contacter son photographe, je ne suis pas allé plus loin, donc ça n'a pas marché (rires).

- En parlant de tous ces guests, à quel point sont-ils libres de réarranger les parties que tu as composées pour eux ?

Cela dépend. Par exemple pour Bruce Kulick, je lui ai donné un endroit où il pouvait jouer son solo comme il le sentait. Voilà pour les instruments, et spécialement la guitare lead, ils pouvaient vraiment faire ce qu'ils voulaient, sans problème. En ce qui concerne la batterie, nous avions une vision assez claire de ce que l'on désirait. Pour les voix, je leur donnais une démo avec un enregistrement guide. Certains chanteurs trouvaient que la démo était cool et ont chanté presque la même mélodie, et d'autres ont un peu plus interprété.

- Tu ne t'es jamais dit : ‘Oh non, il est en train de tout changer !’ ?

(Rires) Non, non, non. Je me serais probablement dit ça quand j'avais vingt ans sur mon premier enregistrement, mais je n'impose plus mes idées à présent. Si tu invites de tels chanteurs, c'est parce qu'ils ont une voix caractéristique, une identité propre. Nous avons quand même Klaus Meine sur cet album ! Ce serait très arrogant et stupide de vouloir qu'il chante juste ce que tu lui dis.

- J'imagine qu'il sera très dur de faire une nouvelle tournée avec Avantasia...

Oui, pour le moment je ne pense pas que cela arrivera. Mais il ne faut jamais dire jamais ! Nous nous sommes tellement amusés lors de la dernière tournée... Et personnellement je me réjouis vraiment de refaire du live avec Edguy. Mais avec Avantasia, je ne suis pas sûr que cela soit de nouveau possible. Ce dont je suis sûr, c'est que c'est très dur au niveau de l'organisation, avec tous les agendas à faire correspondre, toute la production qui est très coûteuse... S’il y avait une possibilité, je pense qu'on la considérerait sérieusement, mais pour l'instant on ne dirait pas que cela arrivera un jour.

- Le tout premier concert d'Avantasia a eu lieu en Suisse, au Rocksound Festival en 2008. J'y étais et c'est encore maintenant un très bon souvenir. As-tu un souvenir spécial de ce premier concert ?

Oui, bien sûr ! J'étais affreusement nerveux, tu sais. Avec Edguy, nous avons une certaine routine, une routine positive. Les shows ne sont pas tous les mêmes, mais au moins tu sais plus ou moins ce qu'il va se passer, tu ne stresses pas vraiment. Avec Avantasia, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre ! Je ne savais pas comment le public allait réagir, si nous avions préparé ce que les gens attendaient : je ne savais rien du tout. Je me souviens que vingt minutes avant de monter sur scène, je me suis dit : ‘Tu es vraiment trop con ! Comment as-tu pu te mettre dans une situation si foireuse ?!’ (rires) Mais en fait, après le concert, je me suis dit que c'était génial et que c'était vraiment une excellente idée.

www.tobiassammet.com

Jonathan

Entretien téléphonique réalisé le 7 avril 2010

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mis en ligne le : 19.07.10 par graber

INTERVIEW - Atari Teenage Riot (2010)

On pensait ne plus revoir Atari Teenage Riot en concert ! Légende de la scène electro, formation contestataire par excellence, le groupe nous a fait le plaisir de se reformer le temps d’une tournée, voire plus. Entretien avec Alec Empire, membre fondateur, dans les backstages de l'Usine, après un pogo de plus d'une heure et les yeux clignotant encore au rythme des stroboscopes.



- Vous avec splitté en 2001. Peux-tu revenir sur ce qui s'est passé à l'époque ?

C’est arrivé de façon assez dramatique pendant notre dernier show à la Brixton Academy : on était en tournée avec Nine Inch Nails, sur la route depuis des années… Les seules pauses qu’on faisait, c’était pour enregistrer. On était vraiment au bout du rouleau. Avant cette dernière date à Londres, qui était un show immense, plus de neuf mille entrées, Hanin Elias, notre chanteuse s’est barrée en disant qu’elle voulait arrêter la tournée. On ne savait pas vraiment quoi faire. Carl Crack, le MC, était malade, sa gorge était bousillée, impossible donc de faire notre set habituel et il ne nous restait que trois heures avant le concert. Pas le temps de trouver de remplaçant. Alors on a décidé de faire un set pur white noise, un peu comme ce qu’on a fait à la fin du concert de ce soir. Le public était fasciné parce que ça n’avait jamais été fait auparavant, du moins pas à une telle échelle. D’habitude, ce genre de concert se fait devant cent personnes au fond d’une cave (rires). Après ce soir-là, on a décidé de faire une pause avec le groupe. Hanin venait d’avoir un enfant et Carl est mort d’une overdose une année plus tard. À ce moment, j’allais sortir mon album solo, ‘Intelligence & Sacrifice’, on allait tous dans des directions différentes. Ça n’avait plus de sens de continuer.

- Tu as toujours annoncé qu'il était hors de question de reformer le groupe. Qu'est-ce qui, neuf ans plus tard, t'a poussé à changer d’avis ?

En fait, ce n’était pas vraiment mon idée. Ça s’est passé d’une manière plutôt étrange. J'ai rencontré CX KiDTRONiK, notre nouveau MC, il y a un an, après un concert à Amsterdam avec Nic Endo. Il vient de Brooklyn, mais il était en concert dans la même ville que nous le soir d’avant. Je suivais plus ou moins ce qu’il faisait parce que j’ai toujours adoré tout ce qui est hip-hop underground. Je savais par exemple qu’il avait bossé avec Saul Williams et Kayne West, mais j’ai été très surpris qu’il apprécie ma musique. Il m’a proposé de participer à un album qu’il avait en préparation pour le label Stone Throw Records, qui est un label hip-hop de Los Angeles. Je lui ai envoyé quelques beats plutôt lents, à la Alec Empire, et il m’a recontacté pour me dire qu’il aimait bien, mais que ce n’était pas ce à quoi il avait pensé. Je lui avais fait un truc très hip-hop et lui voulait plutôt du 200 bpm. J’étais très surpris, j’ai bossé avec plein d’autres MCs, comme The Arsonist, et d’habitude ils ne sont pas fans de ce genre de rythme. Mais lui il cherchait un truc original. La même nuit, je lui ai renvoyé d’autres beats et il m’a demandé si Nic Endo pouvait poser sa voix dessus, comme elle l’avait fait parfois à l'époque pour Atari Teenage Riot. Dans le milieu hip-hop, personne n’avait jamais fait un truc pareil. Nic était d’accord, donc on a enregistré ce morceau pour son album. CX KiDTRONiK a continué à enregistrer de son côté, et nous, on n’y a plus vraiment pensé jusqu’en octobre dernier, quand Hanin Elias m’a contacté sur Facebook. On n’avait pas parlé depuis 2001, depuis ce fameux concert. J’en voulais encore à Hanin pour ce soir-là, parce que c’était une habitude qu’elle avait de ne pas se pointer aux concerts. Mais quand elle m’a recontacté, j’ai trouvé que c’était plutôt positif. Elle m’a proposé de faire juste quelques shows. Je crois qu’elle avait besoin d’argent. On a fait la paix, j’ai senti que c’était une bonne chose à faire, Nic aussi. En décembre ou en janvier, on s’y est mis et j’ai repensé à CX. Je me suis dit qu’il pourrait vraiment nous apporter quelque chose de cool. Mais avec Hanin, ça s’est compliqué. Quand on a commencé à enregistrer ‘Activate’, notre nouveau morceau, on ne devait faire que deux dates, Amsterdam et Londres. Une tournée Alec Empire était déjà prévue et on avait juste l’intention de faire deux concerts de cette tournée en tant que ATR. Pour le morceau, on avait décidé de l’enregistrer comme ça, pour le fun et de le distribuer gratuitement. Mais une mauvaise ambiance s'est installée dans le studio : Hanin avait peur de ne plus être capable de chanter comme avant, avec sa voix criarde et aiguë. On a essayé de lui donner une place différente, de la faire chanter autrement : sur le premier album, elle ne crie pas tant que ça, elle ne chantait pas de manière aussi agressive. Nic pouvait se charger des cris, comme elle l’avait souvent fait pour remplacer Hanin, ce qu’elle a toujours très bien fait, d’ailleurs. Mais elle a commencé à perdre confiance en elle, à flipper parce qu’on partait en tournée. Elle a même fait une annonce publique en prétendant qu’elle n’avait jamais voulu remonter sur scène avec nous. J’en ai eu marre, je lui ai dit : ‘Si tu viens, c’est cool, sinon tant pis, c’est trop tard pour annuler ces shows’. Après son départ, en enregistrant ‘Activate’, on s’est rendu compte qu’il y avait une telle énergie entre nous que cette espèce de reformation s'est finalement transformée en une version améliorée du groupe. CX devait reprendre les parties de Carl sur scène, mais quand on a commencé à discuter des paroles, on s’est rendu compte que ça ne jouait pas vraiment. Prenons par exemple le morceau ‘Atari Teenage Riot’ qui parle de Berlin après la chute du mur. CX n’a pas du tout connu cette période ; il n’était pas en Europe à l’époque… Il a senti qu’il ne pouvait pas être sincère en reprenant un tel morceau. Il a donc réécrit une partie des paroles et j’ai trouvé l’idée excellente. C’était un point de vue totalement différent qui allait apporter quelque chose de nouveau au groupe. Rejouer des vieux morceaux juste comme ça, c'est quelque chose qui ne m’avait jamais vraiment convaincu. J’'étais donc très motivé par les propositions de CX. Essayer de revivre le bon vieux temps, ça ne marche jamais vraiment de toute façon. À chaque fois que j’ai vu des groupes essayer de le faire, j’ai trouvé que ça rendait moins bien, qu’ils avaient perdu quelque chose. La meilleure solution pour nous était donc de replacer ces vieux morceaux dans un contexte actuel, donc on les a mis à jour au travers des idées politiques de CX. Là, c’est redevenu excitant ! En fait on a parcouru un très long chemin pour finalement arriver à ce concert (rires). On s'est un peu laissé porter par le courant. Certaines personnes m'ont demandé si on avait mis au point un plan d’enfer derrière notre reformation, si on avait prévu une tournée de cinq ans pour célébrer tout ça, mais on n’y a pas vraiment pensé. On verra ce qui arrive...

- Sur cette tournée, vous avez pris un soin tout particulier dans le choix des salles. Par exemple, vous ne passez pas en Suisse allemande. Pourquoi avoir choisi Genève et l'Usine ? Et pourquoi ne pas passer par Paris ?

On s’était dit depuis le début que si on faisait ces dates, ça devrait être dans des salles qui dégagent une certaine énergie et j'adore vraiment cet endroit. Je me suis dit que si on passait en Suisse, il fallait qu'on joue ici. De plus, on ne voulait pas faire trop de concerts dans chaque pays. Je savais que tu me poserais une question sur Paris. Les bookers parisiens ont une attitude hyper snob que je ne supporte pas. Ces gens ne s’investissent pas autant que le feraient des programmateurs indépendants. Je pense qu’en France, le gouvernement finance beaucoup de salles et que ça a fini par corrompre leur système de fonctionnement. Le fait qu’ils fassent systématiquement passer les artistes français en premier participe aussi à ce phénomène de corruption : ce n’est plus le choix du public et des passionnés, c’est le choix du gouvernement qui est imposé. J’ai passé d’assez mauvais moments en France et tout particulièrement à Paris. Je tiens à préciser que j’adore cette ville et que j’aime les gens, mais c’est avec l’industrie musicale que j'ai un problème. On ne voulait pas de ces poseurs blasés qui viennent aux concerts comme ils vont dans une galerie d’art, sans s’impliquer. Donc on va jouer à Limoges, à Rennes et à Tourcoing. Rennes, c’est un peu une coïncidence : il se trouve que Gabe Serbian, le batteur de The Locust, qui a déjà joué avec nous par le passé, sera sur place avec Otto Van Schirach. Comme on était en tournée au même moment, on s'est arrangé pour se croiser et jouer ensemble. Les bookers parisiens n’étaient pas contents du tout (rires), parce qu’on a refusé de faire plus de deux shows dans tous les autres pays, sauf en France, pour cette occasion spéciale.

- ATR a toujours été un groupe particulièrement engagé mais le monde a beaucoup changé en dix ans. Quelles sont vos attentes et revendications en 2010 par rapport à 2001 ?

Personnellement, je crois que je suis encore plus engagé qu’avant. Par le passé, c’était surtout de la rage, de la frustration par rapport à ce qui se passait autour de moi, particulièrement après la chute du mur. C'était la montée en force de la mondialisation, de toutes ces décisions qui étaient prises par une minorité de gens qui en profitaient au dépend de la majorité. J’ai l’impression que maintenant, c’est un peu trop tard : le scénario catastrophe contre lequel on se battait à l'époque est devenu réalité. Les gens se sont habitués à des trucs qu’on n’aurait jamais acceptés dans les années 90. Tout ce qui est technologie de surveillance, par exemple. La scène musicale telle qu'elle était à l'époque me manque. De nos jours, tout le monde crève de trouille, a peur de ne plus vendre à cause de la crise que l’industrie musicale est en train de traverser, et plus personne n'ose offenser qui que ce soit. Mais chez nous, pas de pression ! On a toujours fait ce qu’on voulait, on a toujours eu notre propre label, Digital Hardcore Recordings. De nos jours, plein d'artistes se disent : 'Wow, on va mettre des morceaux gratuits sur Internet, c’est une révolution !' Nous, on le faisait déjà en 92, bien sûr avec un autre moyen qu'Internet. C’est pour cela qu’on a pu faire notre musique sans qu'il y ait d'interférences ou qu'elle soit corrompue.

- Un mot sur votre nouveau single en téléchargement libre sur votre site. Vous encouragez les gens à le downloader gratuitement. Est-ce que vous êtes contre le fait de faire payer les mp3 ?

Non, vous pourrez aussi l’acheter dès le 17 mai sur iTunes. Selon moi, les gens devraient pouvoir acheter s’ils en ont envie, et se procurer notre musique gratuitement s’ils le veulent. C’est le choix des gens qui est important. Si tu sors un truc, dès le premier jour tu le retrouves sur Internet ; toute mesure visant à empêcher ce processus est totalement inutile. Ce n’est pas possible de protéger un album ou un single après le jour de sa sortie, de toute façon.

- ATR a depuis toujours collaboré avec différents artistes. Est-ce que vous avez l'intention de recommencer ?

Oui, ce serait génial. Ça a toujours été un aspect important de notre groupe. Par exemple, on a déjà une proposition de Dino Cazares, de Fear Factory, qui aimerait bien poser ses riffs sur un de nos morceaux. J’ai toujours adoré ce que les guitares pouvaient apporter à une musique comme la nôtre. On les enregistre, puis on en modifie le son avec notre vieux sampler pour qu’il soit bien crade, bien ATR. À l'époque, même avant que l'on split, Hanin n’avait pas énormément tourné avec nous : il y avait toujours un problème de dernière minute qui faisait qu’elle ne venait pas. Le line-up d’ATR sur scène était rarement le même que celui qu’on voit sur nos albums. Par exemple, on a fait septante dates aux États-Unis sans Hanin. À mesure qu’on avançait, d'autres artistes se greffaient à nos shows. Carl faisait des attaques de panique à cause de ses problèmes de drogues, donc on avait parfois d’autres MCs qui le remplaçaient, comme Kathleen Hanna de Bikini Kill qui s'est jointe à nous, par exemple. On essayait toujours de s’arranger. En fait, si tu regardes en arrière, tu te rends compte qu'ATR n’a jamais été un groupe dans le sens traditionnel du terme. C’était plutôt une espèce de collectif étrange. On a toujours voulu que ce soit un groupe, mais comme ça ne marchait jamais vraiment avec tout le monde en même temps, c’est devenu autre chose, un projet un peu comme le Wu Tang Clan.

- Avez-vous finalement décidé de sortir votre quatrième album, qui avait été annulé suite au décès de Carl en 2001 ?

C’est une très bonne question… aucune idée (rires). Quand je le réécoute, je sens qu’il est plein de très bons morceaux. Je pensais avoir vraiment tourné la page, c’est un peu étrange de me replonger là-dedans. Je réécoute ces enregistrements avec une oreille nouvelle, et je compare tout ça à ce qui se fait maintenant, surtout dans la scène electro actuelle que je trouve ultra plate. Les meilleurs groupes electro avaient un impact quasi physique sur le public. Mais maintenant, on se retrouve la plupart du temps juste avec un gars sur scène qui bidouille vaguement son ordi portable. Tout le concept de DJ a selon moi besoin d’un énorme coup de pied au cul. On verra, peut-être que c’est nous qui allons le faire. Pourquoi est-ce qu’il n’y a plus rien de transcendant qui se passe musicalement ? J’ai l’impression qu’on est sur le déclin, parce que les jeunes reçoivent de moins en moins des générations d'avant. La musique était plus radicale à l'époque des baby boomers. La technologie a aussi énormément évolué et on peut faire des trucs qu’on ne pouvait pas faire par le passé. Et ça, c’est une bonne chose. Mais pour en revenir à ta question, je ne sais pas si on va sortir de nouvel album. Pour l’instant, c’est très excitant : on pourrait faire des milliards de trucs, on a plein d’idées. Mais je ne sais pas, ça ressemblerait trop à un engagement (rires). Si on sort un album, il va falloir que ça suive, qu’on en fasse un autre et dix ans plus tard, on sera encore là. C’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais est-ce que c’est vraiment ce que l’on veut ?

- Comment s'est passé votre concert, hier ? C'était le premier de la tournée et j'imagine que ça devait être très intense. Quel effet cela vous fait-il de repartir sur les routes ?

C’était très étrange à Amsterdam... On a ressorti notre vieux Roland TR-909, celui qu’on avait utilisé sur la cover d’un de nos albums et on était là : ‘Wow, ça fait dix ans qu’on n’avait pas sorti ce machin’. Il est recouvert d’éraflures, de stickers, de taches. ‘Hé, tu te souviens, ça c’est quand on nous a balancé de la peinture dessus en 92 pendant un festival antifasciste!’ Ce gars ne nous aimait pas parce qu’on n’était pas assez punk, ou un truc dans le genre. On a ressorti une autre antiquité, je ne sais pas si tu l'as vue : à la fin du concert, j’ai joué avec ce qu’on appelle l’atari guitar, C’est un petit sampler intégré à un instrument qui ressemble à une guitare. C’est Carl qui jouait avec. On l’a retrouvé au fond d’une cave, plein de poussière, dans une boîte. Un jour avant de partir, je l’ai ressorti, j’ai changé les batteries et j’ai voulu vérifier s'il marchait encore et il y avait toujours les mêmes samples enregistrés dessus, après toutes ces années, c’était presque effrayant ! On les a laissés tels quels, c’est exactement les mêmes samples qu’à l’époque. C’est ça qui est bizarre avec les données digitales, parce que ce sont des informations qui ne bougent pas. Je ne crois pas que ça existe dans les autres styles de musique.

- Un DVD live d'ATR était prévu à l'époque, va-t-il finalement voir le jour ?

En fait, on a sorti un DVD l’année passée, avec des clips d'ATR et de nos projets solos. Il y a aussi un documentaire. Le cinéaste Philipp Virus a tourné quasi tous nos clips à nos débuts, comme ‘Sick To Death’. On a très peu dépensé d’argent pour nos premiers clips, tout se faisait sur un vieux Macintosh, les vidéos étaient toutes pixélisées. C'est marrant, maintenant c’est carrément devenu un style, c’est ça que les groupes d’electropunk veulent comme look, alors que nous on n’avait pas le choix, on n'avait pas les moyens de faire mieux. Plus tard, on a fait des clips mieux produits, comme ‘Revolution Action’, par exemple. Philipp était avec nous dès le début, il a filmé beaucoup de nos shows, depuis 92. Il m’a filé un disque dur avec toutes ces vidéos juste avant la tournée, il m’a dit qu’au total, il avait plus de deux cents heures de vidéo. Le premier disque dur fait deux téras et il en a encore un deuxième à me donner. On a déjà commencé à en visionner une partie. Avec le recul, on se dit que ça ferait un film très intéressant, pas seulement pour les fans et pour le groupe, mais historiquement parlant aussi. Berlin maintenant, c’est une ville toute proprette, mais à l’époque, juste après la réunification, il y avait encore plein d’immeubles soviétiques et des clubs tout pourris dans lesquels on se produisait. Il faut qu’on visionne tout et qu'on fasse une sélection, mais je pense que c’est quelque chose qui serait intéressant à sortir dans une année ou deux.

www.atari-teenage-riot.com

Amethyst

Interview réalisée le 5 mai 2010 à Genève

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mis en ligne le : 19.07.10 par graber

INTERVIEW - Annihilator (2010)

Il m'est déjà arrivé de faire des interviews bizarres ou de les faire dans des endroits particuliers… Mais ce qui m'attendait pour mon entretien avec Jeff Waters, guitariste et cerveau d’Annihilator, c'était quelque chose de nouveau. Pour la tournée promotionnelle de son nouvel album éponyme, le Canadien me reçoit dans le tourbus de son endorser Gibson. Un véhicule plein de confort qui ressemble plus à un Hard Rock Café sur roues, avec guitares, photos et amplis dans tous les coins ! Rencontre avec un Jeff très bavard et disponible.



- Peux-tu nous présenter votre nouvel album, ‘Annihilator’ ?

Qu'est-ce que je peux dire ? Il s’agit du treizième disque studio d’Annihilator, donc si vous êtes superstitieux, il s’agit d’un CD effrayant ! Sérieusement. Je suis né le 13 février 1966 à treize heures. Mon chanteur Dave est né le 13 février 1976. Mais bon, je ne crois pas qu’il y ait un lien (rires). La pochette du CD est effrayante, un mix entre Linda Blair du film ‘L’Exorciste’ et le fantôme de ‘Alice In Hell’. Il y a un million de choses qui le distinguent des autres. Il n’a pas de titre, comme beaucoup de groupes le font au début de leur carrière. J’ai pensé qu’il s’agissait d’une bonne occasion car notre chanteur David Padden a enregistré quatre albums avec nous et je crois que nous sommes de vrais partenaires maintenant. Il ne s’agit plus d’un musicien de session. Ce groupe n’est plus le projet solo de Jeff Waters, maintenant c’est Annihilator, le projet de Jeff Waters et Dave Padden. Il bosse avec moi depuis plusieurs années et, cette fois, il a vraiment eu l’impression de faire partie d’un groupe. Notre ancienne maison de disques (SPV) a fait faillite et nous avons eu la chance d’être libérés de ce contrat juste avant. La production est également bien différente de celle des anciens albums, carrément meilleure. Vu que sans contrat nous n’avions pas de deadline, nous avons eu plus de temps pour travailler. Nous avons publié un disque par année ou toutes les années et demie mais, désormais, on ne le fera que tous les deux ans. Je fais presque tout : j’écris presque tous les morceaux, je m’occupe des guitares et de la basse, je suis l’ingénieur du son, j’enregistre, mixe et masterise. Cette fois, j’ai pu me prendre un peu de temps et me distancer du CD avant le mix et ça sonne mieux. Dave a chanté plus méchamment : il a une autre attitude, il amène plus d’agressivité sur le CD. Sans que ce soit prémédité, les morceaux dégagent une atmosphère proche des premiers albums, surtout au niveau des guitares.

- Il y a plusieurs passages, comme les solos ou certaines harmonies, qui me rappellent effectivement les deux premiers albums du groupe. Les morceaux me semblent aussi très rapides. Était-ce voulu ?

Bizarre… Beaucoup de monde me dit la même chose. Si tu réécoutes le CD, les morceaux deux et trois sont très véloces, très thrash metal et donnent l’impression que l’album est plus rapide. Le premier morceau démarre lentement et est très mélodieux, une sorte de heavy metal des années 1980, rien de thrash. Mais quand le morceau progresse, il devient plus agressif. Donc les trois premiers morceaux donnent la sensation que tout l’album est comme ça mais, après, les rythmes ralentissent même si les guitares restent très rapides.

- Oui, le picking est impressionnant...

Tu sais, je ne dis jamais ça... mais je suis d’accord avec toi (rires). Dans les deux premiers albums (‘Alice In Hell’ et ‘Never Neverland’) et sur ‘Criteria For A Black Widow’, les solos de guitares étaient très importants pour moi. Je ne saurais pas te dire pourquoi. Après, durant plusieurs années, je me suis davantage focalisé sur les rythmes de batterie, les riffs de guitare, la voix. Les solos passaient en dernier, comme une chose à régler rapidement. Sur les deux premiers albums, les solos sont une des caractéristiques qui ont fait connaître Annihilator. Après, j’ai cherché à ne pas me répéter et je me suis concentré sur les rythmiques. Sur ce CD, pour diverses raisons, j’ai donné la priorité à la guitare solo, et j’avais envie de m’amuser à nouveau. C’est comme au début de notre carrière !

- Est-ce que tu as écrit tout l’album ou Dave a-t-il apporté sa contribution ?

Sur les quatre derniers albums, j’ai écrit l’intégralité de la musique, joué toutes les guitares et basse, écrit les parties de batterie et expliqué au batteur comment les jouer et produit les chansons. Maintenant, Dave arrive (il habite de l’autre côté du Canada), je lui donne un CD avec les morceaux où je chante et il commence à travailler dans une chambre chez mes parents, à Ottawa où je vis. Quand un titre est prêt, il entre en studio pour l’enregistrer et il commence avec le deuxième et ainsi de suite. À la moitié des enregistrements, je lui ai donné un CD avec trois morceaux sans voix et je lui ai dit d’écrire les textes. Dave est une personne très sociable et il n’aime pas s’asseoir et écrire des morceaux ; il préfère jouer de la guitare ou sortir avec des potes. Mais quand il écrit, il est génial. Je lui ai dit qu’il pourrait écrire tous les textes s’il veut, mais il faut le forcer un peu.

- Dave passe de parties très mélodiques à des lignes plus agressives. Est-ce qu’il est libre de développer ça tout seul ?

En général, au début, il répète les lignes de base que j’ai chantées sur la démo que je lui donne. Mais parfois, je remarque que ça ne marche pas bien ou seulement une partie et là, il donne son avis. Il ne se pointe pas en studio pour recevoir les ordres du chef. On travaille ensemble.

- Tu disais que Dave était flemmard quand il s’agit d’écrire. Quels sont alors ses points forts ?

Savoir ce que je veux et ce dont la musique du groupe a besoin au niveau du chant.

- Annihilator a été un effort solo durant de nombreuses années. Aujourd’hui comme tu l’as dit, il s’agit davantage d’un projet entre Dave et toi. N’as-tu jamais ressenti le besoin d’avoir un groupe stable ?

Je l’avais tout au début du groupe, en 1985, quand j’ai créé Annihilator avec le premier chanteur, John Bates. Il a écrit plusieurs morceaux de ‘Alice In Hell’ avec moi et d’autres pour ‘King Of The Kill’. Mais c’était plutôt : Jeff plus un chanteur, un bassiste et un guitariste. Quand on voulait enregistrer une démo ou répéter, personne n’était présent. Ils préféraient sortir avec leur copine ou faire la fête. J’en avais aussi envie mais je me disais qu’on pourrait le faire après avoir répété. Pour devenir un bon groupe ou écrire de bons morceaux, il faut répéter plus de trente minutes par jour. Donc j’ai pensé que si ces gars ne voulaient pas le faire, j’allais enregistrer une démo tout seul, la présenter à un label et signer un contrat discographique. Et je l’ai fait ! J’ai même enregistré la batterie. J’ai donc présenté la démo 'Phantasmagoria' et j’ai signé avec Roadrunner. Au final, ils ont signé un one-man band. J’ai dû chercher un batteur et un chanteur (Randy Rampage) pour les enregistrements en studio. J’avais seulement vingt-deux ans, j’aimais aussi faire la fête. Et je n’avais pas vraiment compris que, si dans un groupe il y a quelqu’un qui prend des drogues ou qui boit tous les soirs, qui fait passer sa copine avant les répétitions, ça peut amener des problèmes. Le chanteur Randy n’est même pas arrivé à finir une tournée à cause de ses problèmes de drogue. Après trois mois sur la route, avec des dates prévues aux States avec Testament et une autre tournée en Europe, je me trouvais sans chanteur ! J’ai dû trouver quelqu’un d’autre. Puis le guitariste ne s’est pas pointé pour la tournée. J’ai compris très vite que si je voulais faire carrière dans la musique avec Annihilator, je devrais le faire seul. Tu dois aimer ta musique, honnêtement. Si tu le fais pour l’argent, tu le fais d’une certaine manière, mais si tu le fais car tu l’aimes, tu fais ça d’une autre manière, comme moi. Je n’ai jamais prêté attention aux commentaires de la presse, des fans ou de la maison de disques quand il s’agissait de l’écriture. Certains aiment, d’autres, pas. J’ai écrit des super morceaux mais aussi des mauvais. J’ai eu des super chanteurs et des mauvais. J’ai réalisé de bons albums et des mauvais.

- Est-ce que tous ces changements de line-up ont influencé ta façon d’écrire de la musique ?

J’ai eu la possibilité de travailler avec quelques-uns des meilleurs batteurs du metal et d’autres musiciens très talentueux. Ils viennent, ils jouent sur l’album, des fois ils participent à la tournée qui suit et, parfois, continuent à jouer avec moi pendant quelques années. Mais cela n’influence pas ma musique. Ça m’aide à m’amuser toujours, à rester intéressé par ce que je fais. Début juin, nous allons commencer les répétitions pour les festivals d’été mais je n’ai encore jamais joué ni avec le nouveau batteur ni avec le nouveau bassiste. C’est un challenge pour David et moi…

- Il ne sera sûrement pas facile de trouver le bon feeling, surtout que vous allez commencer par les festivals...

La chose qui m’amuse le plus c’est que les deux nouveaux gars vont donner leurs premiers concerts devant dix mille personnes. Un d’eux répète sans arrêt qu’il n’y aura aucun problème, mais ça nous fait bien marrer, Dave et moi. C’est une chose de jouer les morceaux chez toi ou dans ton local de répétition. Et une autre d’arriver depuis un autre festival par avion, sans avoir pu dormir ou même ne pas avoir suffisamment mangé. Tu as peut-être mal à la tête ou la gueule de bois à cause de la fête de la veille ; tu vas sur scène sans soundcheck (comme toujours dans les festivals), les monitors ne marchent pas et tu n’entends pas ce que tu es en train de jouer et quand tu regardes devant toi, il y a vingt mille personnes. Je souris et j’adore ça. On verra si les nouveaux gars apprécient (rires).

- Tu n’as même pas l’air de te faire du souci...

Non, pas trop (rires). Tu sais, j’ai rencontré notre nouveau batteur à l’occasion des auditions mais nous n’avons jamais joué ensemble sur scène. Mais tout va bien se passer. Il doit rester derrière nous et jouer. Il ne doit pas aller près du public et être un showman. Mais le pauvre bassiste a un mauvais job. Il sera entre Dave et moi, devra rester au milieu, bouger, regarder le public dans les yeux…

- Comment as-tu choisi les deux nouveaux ?

Le batteur jouait dans un groupe italien dont j’ai mixé un CD, il y a quelques années. J’ai donc eu l’occasion de l’écouter jouer et j’ai été impressionné. Quand je l’ai appelé, il était choqué car il n’était jamais parti en tournée. J’aime ça car au moins il n’est pas prétentieux, du genre ‘je suis le meilleur, tout va bien se passer’. Il restera concentré sur son travail. Et ses batteurs préférés sont des anciens musiciens d'Annihilator, Randy Black et Mike Mangini, donc il connaît très bien notre répertoire.

- Plusieurs groupes ont publié un album éponyme à un moment clé de leur carrière (Metallica et son black album). Est-ce que tu crois que ‘Annihilator’ va être aussi important pour toi ?

C’est une bonne observation mais, pour être honnête, je lui ai donné ce nom car je n’avais pas de meilleure idée (rires). Mais c’est vrai que je suis excité. Avant que tout le monde ait écouté cet album, personne ne m’avait jamais donné un tourbus pour assurer la tournée promotionnelle ; la presse n’était pas aussi intéressée... Peut-être est-ce vraiment un moment spécial pour nous ?

- Pourquoi as-tu arrêté de tourner aux States depuis quelques années ?

Tout a commencé en 1993. À cette époque, le metal était mort avec le grunge et plusieurs groupes ont perdu leur contrat. Roadrunner nous a aussi donné un ultimatum : ils voulaient qu’on change de nom, de style musical ou ils nous laissaient tomber. À ce stade, je ne savais plus quoi faire. Mon père m’a fait remarquer que j’avais un petit garçon et que je n’avais plus le temps de tourner pendant des mois aux States. Nous étions déjà bien connus en Europe, au Japon et en Asie. Nous avons décidé de nous concentrer sur ces marchés car je n’avais plus la possibilité de couvrir les States.

www.annihilatormetal.com

Andy Gaggioli

Interview réalisée le 14 avril 2010 à Zurich

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mis en ligne le : 17.07.10 par graber

INTERVIEW - Kruger (2010)

Prononcez le mot ‘Suisse’, le touriste moyen se représentera volontiers un paysage de carte postale où paissent des troupeaux de vaches placides. L’image que dégage la musique des Lausannois de Kruger se rapprocherait plutôt de celle d’un taureau bien couillu en pleine charge, sur une aire d’autoroute. Alors que la sortie de leur quatrième livraison, ‘For Death Glory And The End Of The World’, est imminente, Renaud (chant), Blaise (basse) et Raph (batterie) taillent le bout de gras, avec tout le sérieux qui caractérise le groupe.





- Commençons cette interview par une question sérieuse que vous attendez avec impatience : d’où vient le nom du groupe ?

Renaud : C’est affreux (rires) ! On a lancé ce concours à la con sur le net parce qu’on en avait marre d’entendre cette question (NdR : Kruger a demandé à ses fans de l’aider à y trouver de nouvelles réponses) et depuis, tout le monde nous la pose, en se marrant, mais nous la pose quand même… Ne t’en fais pas, on va bientôt publier les meilleures réponses sur notre site !

- On peut en avoir un avant-goût ?

Blaise : On nous a suggéré des trucs du style : ‘Parce que Johnny Hallyday était déjà pris’…
Renaud : Il y a beaucoup de réponses pas très drôles et assez peu de choses marrantes, en fin de compte… La meilleure, c’est celle d’un mec qui nous a conseillé de dire qu’on ne s’appelle pas Kruger et de passer à la question suivante !

- On parle de questions impersonnelles et faciles… À l’inverse, quelle est la question la plus intelligente qu’on vous ait posée ?

Ça pourrait bien être celle-là (rires) ! La plupart du temps, les journalistes nous posent des questions trop intelligentes pour nous parce qu’ils pensent qu’on est un groupe conceptuel. Mais nos réponses ne sont pas à la hauteur.

- ‘For Death Glory And The End Of The World’ semble moins bourrin, plus subtil, que vos albums précédents. Avez-vous modifié votre approche de l’écriture ?

Je crois surtout que c’est la production du petit nouveau qui rend plus honneur aux morceaux… La façon d’‘écrire’ n’a pas radicalement changé ; le canevas des morceaux reste sensiblement le même qu’avant. Mais nous avons passé des siècles à fignoler les arrangements, la préproduction. On a pris le temps de se poser pour faire cet album, ça a peut-être affecté un peu un souci du détail qu’on a moins eu par le passé. Ensuite le mix de Ballou a mieux mis ce travail en exergue avec une production très claire et très intelligible…

- Ça n’est donc pas parce que vous devenez vieux que votre musique devient plus mélodique ?

On devient vieux, c’est sûr. Mais, encore une fois, je n’ai pas l’impression que ce nouvel album soit plus mélodique. Le son est simplement plus clair.
Blaise : C’est Kurt Ballou qui devient vieux !

- L’humour semble faire partie intégrante de votre musique. Pourtant lorsqu’on écoute des groupes comme Cult Of Luna, Isis ou Neurosis, on n’a pas forcément envie de se marrer… La scène hardcore se prend-elle trop au sérieux à votre goût ?

Renaud : D’une manière générale, la scène rock se prend très au sérieux ? Trop ? Je ne sais pas. Pour avoir côtoyé les mecs d’Isis, je peux te dire que ces gars ne débordent pas forcément de joie. Mais ils ont leur propre sens de l’humour, aussi spécial soit-il.
Raph : Nous, on a un humour tarte à la crème. Eux, ce serait plutôt tarte aux oignons…

- Vous avez participé à la dixième et dernière édition du Lôzanne’s Burning avec Martin Eric Ain, ancien bassiste de Celtic Frost. Pourquoi lui en particulier ?

On a essayé de dégotter le mec qui chantait le plus mal et il s’est avéré que c’était Martin (rires).
Renaud : On a joué à quelques reprises avec Celtic Frost, et, au fil des rencontres, Martin est devenu un pote. Vu que le concept du Burning est de jouer avec un invité, on a pensé qu’il serait parfait : il vient d’un groupe culte mais pas forcément hyperconnu.
Raph : C’est surtout quelqu’un de très accessible. Le fan de vieux metal que je suis avait plein de questions à lui poser sur Celtic Frost. J’ai pu m’en donner à cœur joie !

- Lors de cette soirée, vous avez interprété des titres de Nirvana, Sepultura et Neurosis. Que représentent ces trois groupes pour vous ?

Nirvana c’est mes quinze ans, Sepultura mes dix-sept ans…
Renaud : Nirvana a bien sûr marqué notre adolescence et Sepultura est arrivé juste après, donc les deux font fatalement partie de notre background musical. Quant à Neurosis, c’est un peu plus important au niveau de ce qu’on fait comme musique ensemble, c’est un peu les parrains de cette scène. On nous compare toujours à eux, c’est plutôt flatteur, alors qu’au fond, notre musique ne sonne pas du tout comme du Neurosis !
Blaise : Pour ce concert, on n’a répété qu’un jour avant de monter sur scène. On a donc choisi des titres assez évidents et directs.

- Justement, si sympa soit-il, le concept du Lôzanne’s Burning ne constitue pas forcément une bonne carte de visite pour un groupe : un set bref, des reprises pas très représentatives, un public pas forcément acquis à votre cause… Quel est l’intérêt ?

Sans vouloir passer pour un groupe qui a beaucoup roulé sa bosse, on a un peu dépassé le stade où un concert représente une ‘carte de visite’. C’est surtout l’occasion de s’amuser, de boire des bières, de croiser du monde… Et puis, Neurosis est sans doute le groupe qui rassemble tout le monde dans Kruger. Pouvoir jouer un de leurs titres sur scène, c’est la classe !

- Vous avez pas mal tourné en Angleterre et en France. La perception du public est-elle différente dans ces pays ?

Renaud : Je ne sais pas. C’est dur à dire. En Angleterre, on n’a pas forcément le statut qu’on a en Suisse ou en France. Du coup, l’accueil est un peu différent.
Blaise : Jouer en Angleterre te force un peu à relativiser. Ici, on a notre petit confort, on est bien accueillis dans les salles. Là-bas, tu te retrouves avec le strict minimum. Ça a un côté plus punk.
Raph : On a une anecdote qui résume assez bien cela. Sur la deuxième tournée anglaise du dernier album, on s’est retrouvés à jouer devant cinq ou six personnes…
Renaud : À Londres, une ville de dix millions d’habitants !
Raph : On a rencontré ces deux filles sympas qui bossaient pour un webzine. Après nous avoir interviewés, elles sont venues nous voir en concert pour rédiger une critique. À notre retour en Suisse on a découvert leur article qui disait : ‘Kruger joue devant cinq personnes, comme s’il se produisait devant un stade comble’…
Renaud : Tu te retrouves loin de chez toi, et tu réalises que tout ce que tu as à faire, c’est jouer en livrant tout ce que tu as…

- Qu’attendez-vous de ce nouvel album ?

La même chose que jusqu’à présent : qu’il intéresse d’autres personnes que nous, que ça nous permette de faire quelques milliers de kilomètres pour le jouer si possible assez loin de la maison, qu’il nous donne l’occasion de rencontrer des gens chouettes… rien de bien ambitieux, à part continuer notre parcours et continuer de faire les adolescents attardés sur la route quelques semaines par année… !
Blaise : Ce qu’on en attend, c’est la gloire, la mort…
Raph : Et la fin du monde !

www.kruger.ch

Dave

Ennuis techniques survenus le 2 février 2010 à Lausanne et réparés par e-mail le 5 février 2010

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mis en ligne le : 24.06.10 par graber

INTERVIEW - Dossier NIFFF (2010)

20ème NEUCHÂTEL INTERNATIONAL FANTASTIC FILM FESTIVAL | Neuchâtel
04 au 11 juillet 2010






Il y a ceux qui, au début du mois de juillet, vont se dorer la pilule sur de magnifiques plages de sable fin ; il y en a certains qui partent patauger dans la boue en festival ; d'autres se font les mollets et s'en vont faire du trekking en haute montagne. Et sinon il y a nous : voyageurs de l'extrême, nous partons observer la faune et la flore des salles obscures neuchâteloises. Pour survivre à cet environnement hostile, un minimum de matériel est indispensables : des boissons caféinées, pour tenir toute la journée devant un écran sans flancher ; une petite laine pour se protéger de l'air frais qui souffle dans les cinémas, des trucs à grignoter parce qu'on aura franchement pas le temps entre deux séances de passer à la Migros et des pilules contre les aigreurs d'estomac... le cocktail coca, air conditionné et pop corn à la longue, ça ne pardonne pas. Nous voilà prêts pour une orgie de films et de courts métrages ! Le marathon commence le dimanche 4 juillet et s'achève le dimanche suivant : eh oui, cette année le NIFFF fête son dixième anniversaire et dure donc deux jours de plus que d'habitude. Avec tous les kilomètres de pellicule qu'on va avaler, ça ne sera pas de trop...

On ne loupera pas une miette de la sélection internationale du festival et on attendra avec impatience la cérémonie de clôture pour voir quel film a été primé. Pas question non plus de rater un seul des longs métrages de la compétition asiatique qui sera, on l'espère, à la hauteur de celles des années précédentes. Ensuite, ce sont les trois programmes spéciaux qui nous passionneront. Le premier se concentre sur le cinéma fantastique suisse, si, si, ça existe. On imagine déjà dans nos fantasmes les plus fous une histoire de vache-garou qui devient folle après avoir mangé de l'Etivaz périmé et qui part à Berne bouffer Eveline Widmer Schlumpf. Un autre cycle nous propose de découvrir le cinéma fantastique caribou. La série de films froids scandinaves de l'année passée avait montré que la température moyenne d'une région est inversement proportionnelle à la qualité de sa production cinématographique ; espérons qu'il en soit de même pour le Québec. Enfin sera projetée une rétrospective prometteuse du cinéaste japonais Sogo Ishii et ses films punk dont il a souvent lui-même composé et joué la bande son rock'n roll. Les amoureux de la musique devront aussi se rendre à la soirée de gala du 8 juillet, pendant laquelle les Young Gods se produiront en live pour accompagner la projection de l'un des films helvétiques de la sélection. Chaque soir, l'open air proposera un film un peu plus 'mainstream' que le reste de la programmation, dans un cadre sympa et convivial au bord du lac. Rajoutons les pèlerines dans l'équipement de survie, ces séances sont en général maintenues en cas de pluie... On ne manquera pas non plus les deux compétitions de courts-métrages (une suisse, une internationale) qui, tout en étant parfois inégales, nous font souvent et pour notre plus grand plaisir découvrir d'étranges ovnis du grand écran. Enfin, ceux qui ont encore un brin d'énergie pourront participer à Imagine The Future, une série de conférences sur le thème des images de synthèses. Professionnels des effets spéciaux, de l'informatique et des conceptions de jeux vidéo se retrouvent pour discuter des dernières avancées technologiques en la matière.

Le programme précis du festival, avec présentation des films et horaire des séances a été révélé le 15 juin. Il reste maintenant le plus dur à faire : arriver à caser tout ça en seulement huit jours... et accessoirement dormir quelques minutes entre les séances. [Amethyst]

www.nifff.ch

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mis en ligne le : 24.06.10 par graber

INTERVIEW - Ghetto Blaster (2009)

Issu de la nébuleuse punk genevoise, Ghetto Blaster sort son premier album ‘The Decomplexed Discipline Of Shalom Boukak !’ sur le label Urgence Disk. Entre vieille école punk et electro-wave, le groupe porte haut le flambeau de l’humour contestataire. Rencontre avec trois mecs et une nana un peu hirsutes qui nous content des histoires de sexe en plein air sur fond de synthé.





- Quand j'entends le nom Ghetto Blaster, je pense à un groupe de hip hop issu des banlieues françaises. C'est ce que vous êtes ?

Tous : (Silence consterné)
Sam : Oui, effectivement. Si tu fais référence au nom du groupe, en fait à la base j'enregistrais des pistes electro sur une cassette que je diffusais ensuite avec un vieux ghetto blaster des familles qu'une pote avait trouvé au marché aux puces. J'allais ensuite faire la manche devant la Coop en chantant sur ces pistes enregistrées. D'où le nom Ghetto Blaster.
Robin : Et bon, ‘Genève c'est Ghetto’, quoi… (rire gras)
Tous : Et le mot ‘ghetto’ désigne aussi notre univers, le milieu alternatif, dans lequel nous évoluons depuis gamins.

- ‘The Decomplexed Discipline Of Shalom Boukak !’ est le premier album du groupe, sorti cette année sur Urgence Disk. Quel est votre parcours et de qui est composé Ghetto Blaster ?

Sam : J'ai commencé tout seul en 2002, quand j'allais jouer mes morceaux devant la Coop. D'ailleurs, une fois j'ai croisé une manif de pro-Palestiniens et certains mecs se sont arrêtés pour écouter, ils kiffaient bien. Quand ils ont vu mon étoile de David avec le mot ‘Jude’ tatouée sur l'épaule, ils n’ont plus trouvé cool. En 2005, dans le cadre d'un travail que je devais faire pour les Beaux-Arts de Genève, j'ai recruté Robin et sa voix pour qu'on fasse un clip et une compo. L'idée était de faire un truc autour d'un monument que j'avais réalisé en hommage aux millions de membres du peuple poulet sacrifiés dans la campagne de lutte contre la grippe aviaire. ‘Le Poulet Est En Action’ est né comme ça. Plus tard, on a fait un concert dans les chiottes des Beaux-Arts. Ensuite, Daniel s'est greffé avec sa guitare. On a finalement choisi de prendre Julie comme chanteuse parce qu'elle faisait du théâtre. On a commencé à jouer tous ensemble fin 2008.
Robin : (Julie, moi, je l'aurais pas choisie, hein.) Ce groupe, c'est surtout le projet de Sam, c'est lui qui fait la majorité du boulot.
Sam : (Je suis le chef anarchiste.)

- Vos têtes ne sont pas inconnues à Genève, on vous a déjà vus dans plusieurs groupes….

Tous : Daniel, Robin et Sam jouent dans le groupe punk genevois Faute De Frappe. Sam joue également dans Sozial Traître, un groupe de punk rock plutôt orienté hardcore avec des textes chantés en allemand et en anglais. Sinon, Julie est comédienne professionnelle.

- Ce premier album oscille entre punk et electro. Ghetto Blaster, c'est quoi pour vous ?

Robin : Ben de l'electropunk.
Julie : Je dirais plutôt le contraire, du punkelectro.
Sam : On fait du punk avec boîte à rythmes dans la lignée des groupes français des années quatre-vingt à la Metal Urbain ou les Bérurier Noir.
Robin : Avec des pui pui pui en plus.
Sam : L'electro, on ne connaît pas bien en fait, en dehors de BAK XIII et des groupes de la scène locale. Notre son et nos textes sont plus proches de la scène punk bien qu'on intègre des éléments électroniques.
Julie : C'est plus notre culture, aussi.
Daniel : Le punk et l'electro sont des styles assez animaux je trouve, mélanger les deux donne un résultat intéressant.
Sam, Robin, Julie : Les passages electro désamorcent un peu la violence des textes, ça amène de l'ironie.

- On passe de thèmes aussi divers et variés que la fonte des glaciers, le sexe en plein air et le suicide. Que représentent les paroles dans Ghetto Blaster ?

Sam : La plupart du temps c'est moi qui les écris. Ça part d'un délire ou d'un coup de colère, une manière de penser en ressort. J'aborde des sujets divers, toujours sur le ton de l'autodérision ou de la provoc.
Robin : Souvent on se laisse un peu emporter par nos paroles, on finit par parler d'autre chose à la fin d'un titre. On accorde surtout beaucoup d'importance aux rimes.
Julie : Mais non, je ne suis pas d’accord... Il y a une volonté, un sens dans ce qu'on dit... On n'est pas des poètes non plus !
Daniel : Les textes parlent de passion, de ce qu'on vit...
Julie (à Robin) : Ça peut parler de ta vie, dans laquelle je me retrouve aussi...
Sam : Dans ‘Sex Pique-Nique’ par exemple, c'est parti d'une meuf qui me parlait toujours de bouffe quand on était au pieu. Pour ‘Pédophile’, on lisait une fois les journaux et on s'est dit qu'il y avait tout le temps des histoires de pédophilie. L’un d'entre nous a sorti 'pédophile comme j'aime quand tu m'enfiles' et on s'est dit que ça ferait une chanson.
Robin : La prochaine, ça sera sur la grand-mère de Julie qui s'est fait dépouiller par Jean-Rachid.

- L'univers de Ghetto Blaster est peuplé de dèche, de squats, de séjours à l'hôpital... Un univers mouvementé, sombre et revendicateur. Le vôtre ?

Tous : C'est ce qu'on vit depuis des années !
Tous (à Daniel) : Bon toi, tu vis dans un appart au Lignon...
Daniel : Ben ouais, t'imagines pas comme mes voisins me font chier !
Sam : C'est important qu'il y ait du vécu. Quand tu prends la parole, il faut avoir quelque chose à dire, sinon tu te retrouves à faire de la variété et des morceaux avec trois phrases niaises qui se répètent.

- Est-ce que Ghetto Blaster est un groupe engagé ?

Même si on intègre du second degré, on reste fondamentalement anarchistes.

- Qu'est-ce que ça donne en live ?

Tous : Pour l’instant on en est au début, on n’a que quatre concerts derrière nous… Notre show doit encore être développé.
Sam : L’idée est de faire un truc qui soit festif. À l’avenir, on aimerait créer quelque chose pour les passages où il n’y a que de l’electro.
Robin : L’important est qu’il se passe quelque chose d’improbable à chaque fois.
Sam : Oui, on laisse beaucoup de place à l’improvisation.
Julie : C’est ça que j’aime dans ce groupe, le côté hyperaléatoire du live.

- Quels sont vos projets ? Des concerts, albums ou collaborations en perspective ?

Tous : On va bientôt sortir un split 45 tours avec BAK XIII. Mi-avril, on va jouer à l’Espace Noir de Saint-Imier, dans un festival où se produiront les groupes qui figurent sur la compile ‘Le Renard’, elle-même en lien avec la BD punk du même nom.
Sam : On ne court pas trop après les concerts, en fait. On préfère faire peu de dates mais prendre du plaisir à chacune, que se retrouver à devoir jouer souvent devant trois cailloux et deux clochards qui s’en foutent.
Robin : Moi, je suis plutôt pour faire tous les concerts qu’on nous propose. C’est ce qui s’est d’ailleurs passé jusqu’à maintenant.

- Et pour finir, pourquoi est-ce qu’un lecteur de Transit devrait impérativement s'intéresser à Ghetto Blaster ?

Tous : Parce que tout ce qu'on a dit est faux, en fait on fait du heavy metal et on est de droite.
Robin : J’ai des boucles blondes, d’ailleurs on m’appelle Boucle-d’Or.
Tous : Julie chante en porte-jarretelles en live.
Julie : Avec des moon boots.

www.myspace.com/ghettoxblaster

Géraldine

Interview réalisée le 29 décembre 2009 à Genève

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mis en ligne le : 22.06.10 par graber

INTERVIEW - 69 Chambers (2010)

Mené par la charismatique et très sexy Nina, 69 Chambers est l’un de ces groupes fort prometteurs que l’on voit surgir parfois ici et là. Composé de trois musiciens, le groupe accueille également dans ses rangs, le temps de certains concerts, un invité de marque en la personne de Tommy Vetterli (ex-Coroner). Loin de vouloir mettre ceci en avant, 69 Chambers essaye de s’imposer en tant qu’entité propre, avec ses sonorités et sa manière d’appréhender la musique. Transit a profité du passage du groupe à Yverdon pour en savoir plus en échangeant avec la guitariste, chanteuse, leader et ‘Patronne’ du groupe : Nina.





- J’ai lu que vous aviez eu beaucoup de changements de line-up dans le groupe depuis le début. Saurais-tu dire pourquoi il y a eu autant de mouvement ?

Quand j’ai commencé, c’était surtout un hobby. Au début, je jouais de la basse, instrument pour lequel je n’avais jamais pris de cours. Puis je me suis mise à la guitare, là aussi sans jamais avoir pris de cours. Quand j’ai changé d’instrument, j’ai eu vraiment envie de commencer quelque chose de sérieux, que le groupe se mette en route. Les deux gars avec qui j’avais démarré n’étaient pas ambitieux du tout, ils ne voulaient pas répéter, ne voulaient pas investir d’argent dans le projet, j’ai donc dû dégoter des gens plus motivés. Mais c’était tellement difficile de trouver des gens ! J’avais mes propres idées, mais j’aime que les gens viennent vers moi avec des propositions et c’est très difficile de trouver des gens motivés qui partagent mes visions. Donc il y a eu beaucoup de changements, pas seulement parce que je leur disais, entre autres, qu’ils n’étaient pas assez bons, mais également parce qu’ils me disaient des trucs du genre que leur copine était aussi importante, etc. Ça n’était vraiment pas évident.

- Donc ces changements n’ont aucun lien avec le fait que tu passes pour une dictatrice dans le groupe ?

(Rires) Tu dois demander aux autres membres du groupe si je suis une dictatrice. Je pense que je peux être très… (silence). Diego (le batteur) m’appelle ‘La Patronne’, mais je ne pense pas être si méchante que ça. Tous les groupes ont un leader je pense, une personne qui décide, qui écrit la plupart des morceaux, qui organise les choses, c’est normal non ?

- Oui, mais ce qui est surprenant dans ton cas, c’est que pour disons nonante-neuf pour cent des groupes, celui que tu appelles le leader est un homme, dans ce milieu c’est un peu inattendu qu’une fille prenne les commandes.

Fuck that ! Je veux dire que ça n’a pas d’importance.

- Pourquoi n’avoir pas essayé de créer un groupe totalement féminin ?

Je n’ai jamais été intéressée par ceci. Quand j’ai commencé, c’était avec des mecs. J’ai toujours voulu jouer avec les meilleurs musiciens possible, peu importe que ce soit des gars ou des filles. Tu sais jouer d’un instrument, tu partages les mêmes idées musicales, alors go, allons-y, peu importe que tu sois un mec ou une nana. C’est une pure coïncidence que Maddy, ma bassiste, nous ait rejoints. Avant elle, les autres membres du groupe étaient tous des mecs. Si j’avais trouvé une batteuse qui m’avait impressionnée avec son jeu, alors je l’aurais prise, mais ça n’a jamais été le cas.

- Tu penses que ça peut ouvrir des portes d’avoir des filles dans un groupe en Suisse ?
Je sais que parfois ça peut aider dans d’autres pays car les labels aiment bien avoir dans leurs écuries des groupes différents, que ce soit au niveau musical ou à cause des membres qui les composent. Et un groupe avec une fille comme leader, on n’en voit pas tous les jours, quand même.
Je ne sais pas, je pense que ça doit être la même chose partout. Je ne veux pas commencer à me plaindre et sortir des trucs du genre : ‘c’est parce que nous sommes un groupe à chanteuse que nous n’avons pas de succès’ et blablabla… Par contre c’est vrai que ce milieu n’est pas toujours tendre avec les filles, surtout quand tu commences à t’habiller de façon féminine, avoir l’attitude d’une fille... Tout d’abord tu n’es pas prise au sérieux. Beaucoup de gens te disent que tu es juste là pour te montrer, parce que tu veux avoir l’air sexy, et se fichent complètement de ton niveau de jeu. On est confrontés à beaucoup d’a priori. Mais je pense que généralement, on leur montre qu’ils ont tort.

- Quelle est la signification de 69 Chambers ?

Question suivante (rires) !

- Ok, tant pis, j’aurais essayé, de toute façon je connais la réponse (rires).
(Eh non, vous ne saurez rien, il ne vous reste plus qu’à faire marcher votre imagination et chercher la réponse sur le net). Bon, allez, reprenons sérieusement, ça n’a pas dû être facile pour une bassiste sans expérience de devenir une guitariste leader qui compose ses morceaux. Combien de temps ça t’a pris ?
Environ deux ans. Le niveau et la qualité n’étaient pas au top au début, je suis vraiment contente d’avoir attendu si longtemps avant d’avoir enregistré le premier album parce qu’autrement la qualité n’aurait pas été au rendez-vous. Ça a donc pris du temps.

- En tant que nouveau groupe, il est toujours difficile de réussir à vendre des albums. J’aurais voulu savoir comment ça se passait pour vous à ce niveau.

Je pense que le premier album est surtout là pour nous faire de la promotion. Je sais que les ventes de disques sont réellement difficiles ces temps. Nous ne vendons pas beaucoup mais pas mal de gens m’ont dit qu’il fallait qu’on soit contents de ce qu’on arrivait à vendre, vu le contexte : au moins on vend. De toute façon, on ne fait pas ça pour l’argent, donc…

- Quelles ont été tes influences ? Tu es née à Séoul, puis tu as vécu à Singapour, et enfin tu es venue en Suisse. Est-ce que tout ceci a influencé ta manière de percevoir la musique ?

Beaucoup de gens voudraient m’entendre dire que ma musique est influencée par les lieux où j’ai vécu dans ma jeunesse, mais tu sais, à Singapour, la scène musicale est inexistante. J’ai grandi en écoutant ce que mon père écoutait : les Beatles, les Stones, je pense que ceci m’a influencée d’une certaine manière. À l’école, il y avait des Allemands qui m’ont fait découvrir des groupes comme Soundgarden, Nirvana, ce genre de choses. Je pense que c’est là que j’ai fait mes découvertes musicales, ma petite révolution interne. Il y a de ces influences dans notre musique.

- Est-ce que tu aimes Coroner ? (La question piège vu que Tommy était juste à côté, tout sourire en attendant la réponse de Nina)

(Rires) Ben heu… j’ai passé les seize premières années de ma vie en Asie ; je n’avais jamais entendu parler de Coroner. Je n’ai découvert ce groupe qu’en apprenant l’existence du studio de Tommy et c’était il y a cinq ans de cela. J’aime beaucoup leur son, mais ce n’est plus d’actualité maintenant. Mais tu sais je n’écoute pas d’anciens albums de Metallica ou des vieux Slayer non plus. Je les aime bien, mais ce n’est juste plus de mon époque.

- Est-ce qu’en tant que producteur Tommy a eu une influence sur votre son, votre musique ?

Ce que j’apprécie vraiment chez Tommy, c’est qu’il n’essaye pas de changer la musique des gens qu’il produit. Il aime plein de styles différents. Il arrive à prendre ce qu’il y a de mieux dans la musique et le transcender.

- Votre reprise live de Lady Gaga m’a réellement surpris. Pourquoi un tel choix ? Tout le monde s’attendait à une reprise de Coroner alors pourquoi diable du Lady Gaga ?

(Rires) Tout d’abord je pense que si tu fais une reprise, il faut qu’elle soit originale au possible. Ça ne sert à rien d’essayer de reproduire un tube tel quel. Regarde notre reprise de Lady Gaga, c’est surtout un énorme gag. On devait jouer un assez long set ce soir, et on n’avait pas assez de morceaux, c’est pour ça qu’on a fait cette reprise. Mais je ne veux pas que ce morceau prenne le pas sur ce qu’on fait avec 69. On avait parlé de faire une reprise de Coroner car ça pourrait être sympa. Mais si on le fait une fois, ce sera d’une manière très différente car déjà on n’arriverait jamais à la faire sonner mieux que l’originale, mais surtout, comme je le disais, pour moi, une reprise doit être quelque chose de personnel, pas juste une copie conforme.

-Je vais te poser la même question qu’à Tommy tout à l’heure. Est-ce que tu n’as pas l’impression que s’il y a eu du monde ce soir, c’est en partie parce que Tommy joue avec vous ? Tu n’as pas l’impression qu’il vous vole un peu la vedette ?

Je vois ce que tu veux dire, mais non je ne pense pas. S’il y a des gens qui viennent nous voir parce que Tommy joue avec nous, c’est cool. Je suis très fière de lui, c’est vraiment un plus pour un groupe de l’avoir, je ne le vois pas comme un concurrent. Je ne me vois pas comme une vraie guitariste. Je joue de cet instrument pour accompagner mes morceaux, simplement. Tommy est un vrai guitariste, lui, il apporte beaucoup au groupe. Il n’y a donc pas de concurrence. En plus, beaucoup de jeunes ne le connaissent pas de l’époque Coroner. En tout cas cela ne nous affecte pas d’une manière négative, c’est sûr.

- J’ai vu dans ma boule de cristal que dans dix ans 69 Chambers sera au top…

Vraiment ? C’est cool (rires) !

- Oui je suis devin, medium, ce genre de choses, maintenant projette-toi dans ce futur et dis-moi comment tu veux que les gens se rappellent de toi : une excellente compositrice, une leader charismatique ?

Question difficile. Je ne pense pas que ce soit à moi de décider. Il y aurait tant de raisons de quitter le monde de la musique. Tout est tellement pourri à l’intérieur, il y a tellement de choses liées à l’argent. Mais je joue de la musique car c’est ce que j’ai besoin de faire et ce qui arrivera arrivera. S’il y a une possibilité de toucher des gens, qu’ils aiment ce qu’on fait, c’est cool. Ce serait un sacré compliment.

- Finalement, tu penses qu’un nouveau groupe comme vous a une chance de pouvoir percer ? Quand on voit les headliners des festivals, Twisted Sister, Kiss et plein d’autres, on ne peut pas dire que les festivals laissent beaucoup d’espace à de jeunes groupes de pouvoir tenir des têtes d’affiche. Le renouveau de la scène metal va être très compliqué à l’avenir, non ?

Je pense qu’il y a deux problèmes principaux. Déjà la scène metal est trop conservatrice, quand tu vois tous ces nouveaux groupes qui copient ce que d’anciens groupes faisaient, comment veux-tu qu’ils percent car ils ne seront jamais aussi bons que les originaux. Et l’autre point est que si tu joues du rock, tu ne peux pas refaire le rock selon moi. Tu peux y apporter une touche personnelle, mais tu ne peux pas le réinventer, c’est gravé, on ne peut pas le refaire. Donc c’est quasiment impossible pour les festivals de ne pas tenir compte de ces groupes idolâtrés. Par contre dans le futur il y aura du renouveau, de nouveaux groupes qui seront suivis par de nouveaux fans et qui feront que ces groupes seront les futurs headliners, mais pas forcément dans les styles que l’on connaît maintenant.

www.69chambers.com

Indy

Interview réalisée le 30 janvier 2010 à Yverdon

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mis en ligne le : 22.06.10 par graber

INTERVIEW - Voodoo Kungfu (2009)

Li Nan vient me chercher à un arrêt de bus du centre de Pékin. Puis, Nicola Mazzei, le bassiste nous rejoint et nous montons tous au dernier étage d’un immeuble du coin. Après l’interview, juste avant d’aller manger dans un restaurant, Li Nan me dit qu’il doit donner à manger à ses animaux. Et là, je découvre qu’il a deux boas, deux cobras royaux, ainsi que d’autres serpents et reptiles venimeux ou pas, dont deux tout jeunes charmants petits crocodiles de trente centimètres, sans oublier des souris et des petits poissons pour nourrir tous ces pensionnaires. Voilà ce qu’il s’est dit un peu avant.



- Pour commencer, peux-tu faire une présentation du groupe ?

Li Nan : On a commencé en 1997. On était quatre au début. Et ce qui est amusant c’est qu’on ne savait pas vraiment jouer de la musique. On a appris comme ça au fil du temps. C’est en 1999 que l’on a fait notre premier concert. Le line-up actuel est Zhao Feng à la guitare, Qin Shaojian à la batterie, Narenmanda au matouqin (violon mongol), Nicola Mazzei à la basse et moi au chant.

- Qui compose la musique et écrit les textes ?

C’est moi.

- En 2008, vous avez remporté le Metal Battle en Chine, ce qui vous a permis d’aller au Wacken, comment cela s’est-il passé ?

C’était vraiment une bonne expérience. Il y avait du monde et une bonne ambiance. Il me semble que le public a bien apprécié notre prestation.

- Quand on voit un de vos concerts, il se dégage toujours une atmosphère particulière, peut-être est-ce dû au chant diphonique (technique de chant permettant de produire deux sons simultanément) et au violon mongol ?

Oui, quand j’étais petit, je suis souvent allé en Mongolie avec mon père. Là-bas, j’ai appris leur technique de chant. Je trouvais intéressant de l’incorporer à ma musique. Pour le violon mongol, il nous a rejoints il y a cinq ans. En fait, à cette période, j’ai commencé à faire des expérimentations et je trouvais que le son de cet instrument irait bien avec ce que j’avais envie de faire.

- D’où te vient l’inspiration ?

Une part vient de ces voyages en Mongolie, et aussi du fait que j’aime bien cette musique. Ensuite, j’apprécie beaucoup les traditions des minorités ethniques présentes en Chine et dans certains pays limitrophes. Quant à l’autre part de mon inspiration, je ne saurais pas te dire d’où elle vient. Donc, c’est normal que l’on retrouve ceci jusque dans le fait qu’on ait des habits traditionnels sur scène. Tu sais, pour toi comme pour la plupart des Chinois, tout cela s’apparente à la culture mongole. Ce n’est pas vraiment le cas, si par exemple tu fais écouter le chant à un Mongol, il te dira que cela n’a rien de mongol. Le son est peut-être le même, mais c’est tout. On utilise donc cet instrument et cette technique de chant un peu à notre façon.

- L’année passée, vous avez enregistré un album, comment cela s’est-il passé ?

On est allé en studio. Les techniciens ont passé huit heures à monter et à régler le matériel pour qu’on puisse enregistrer tous ensemble. Et cela a pris environ deux heures.

- Deux heures !?!

Oui ! À part un titre, on les a tous faits en une prise. Une semaine plus tard, je suis retourné en studio pour ajouter des guitares et du chant. Cela a pris un peu plus de trois heures.

- Pourquoi ces ajouts ultérieurs ?

Parce qu’il n’y avait qu’une seule guitare, que je voulais plus de son, et qu’il soit un peu différent.

- Qu'est-ce qui t’a poussé à vouloir faire un enregistrement d’ensemble ?

Tu sais, notre musique est un peu différente. Chaque morceau a une structure donnée, mais chaque fois qu’on le joue ce n’est pas pareil. Il y a une part d’improvisation, cela dépend de l’atmosphère, de l’endroit et de notre état d’esprit sur le moment.

- Que penses-tu du résultat ?

Il est bon. Je pensais qu’on aurait besoin de beaucoup plus de temps, qu’on devrait faire jusqu’à une dizaine de prises par morceau.

- Vous revenez de quelques concerts dans le sud de la Chine, il me semble ?

Nicola Mazzei : Oui, on est allé à Wuhan, Shenzhen, Canton et Hong Kong.

- J’ai un ami d’un autre groupe pékinois qui me parlait de la difficulté de se produire loin à cause de son travail. Vous n’avez pas de problème de ce côté-là ?

Li Nan : Non, on n’a pas de travail, mais on a des problèmes d’argent (rires) ! En fait, avant j’avais un travail, c’était même une bonne place. Et puis, j’ai décidé il y a quelque temps de me consacrer uniquement à mon groupe. Comme certains musiciens dans le metal, j’ai une copine qui a un travail. Si tu veux te consacrer à ta musique, il n’y a pas vraiment d’autre solution. Mais abandonner son travail, en plus un bon, ce n’est pas très bien vu ici, même par mes parents qui sont plutôt des gens ouverts.

- Est-ce que c’est dur de trouver des dates de concert et se faire connaître en dehors de Pékin ?

Non, pas tant que ça, les clubs ont besoin que des groupes viennent y jouer. En fait, si tu es connu à Pékin tu seras connu ailleurs. Donc, ce sont plutôt les groupes d’autres provinces qui viennent faire des concerts ici afin de se faire connaître.

- Quels sont vos projets futurs ?

En fait, on a besoin d’un bon manager. Jusqu'à maintenant, aucun n’était réellement professionnel. Sinon, en novembre, on va normalement faire un DVD. Et bien sûr, l’objectif reste de faire un maximum de concerts, d’en faire à l’étranger, comme à Taïwan, en Corée et au Japon. Ce serait bien de retourner en Europe et d’aller aussi en Amérique. Notre musique est assez spéciale, elle ne touche pas forcément beaucoup de monde et on est allé un peu partout où on pouvait se produire en Chine.
Nicola Mazzei: Mais les moyens de faire de la promotion sont restreints, il arrive périodiquement qu’on n’ait plus accès à des sites comme MySpace, YouTube ou Facebook. Tu vois, quand on était au Wacken, vraiment personne ne nous connaissait.

Il y aura quelques copies de l’album disponibles fin mars à la Citadelle, à Genève

www.myspace.com/01voodookungfu

Barberousse

Interview réalisée le 10 juillet 2009 à Pékin

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mis en ligne le : 22.06.10 par graber

INTERVIEW - Void of Voices (2010)

Attila Csihar est un être paradoxal. Aussi terrifiant qu’accessible, aussi célèbre que modeste. Il aura suffi d’un mot de Kristoffer Rygg (Ulver) pour improviser cette interview, à la découverte de Void Of Voices, nouveau monstre imaginé par le frontman de Mayhem à découvrir en première partie de la tournée européenne d’Ulver. Avec un accent digne de Dracula, le Hongrois aux mille projets (Sunn O))), Burial Chamber Trio, Plasma Pool, …) raconte la genèse de cette curiosité musicale, où la voix détrône les instruments.




- Comment t’est venue l’idée de lancer ce projet à cent pour cent vocal ?

Il s’agit d’une vision qui remonte à longtemps, en fait. J’aimais l’idée de créer de la musique uniquement avec ma voix mais je ne voulais pas avoir recours à l’ordinateur. Depuis, j’ai entendu parler d’un nouveau type de sampler, qui me permet de tout faire en live, sans utiliser de bandes préenregistrées. Car Void Ov Voices repose avant tout sur le live. J’ai commencé il y a une année. J’ai eu la chance de me produire aux States, à Moscou, en Allemagne, en Norvège… Et me voilà avec mes amis d’Ulver, que je connais de longue date. C’est génial ! C’est un grand honneur de tourner avec eux.

- Les concerts de Void Ov Voices sont très hermétiques ; on ‘n’entre’ que très difficilement dans un tel show. Cette approche de musique peut paraître très égoïste…

Non, ça ne devrait pas fonctionner comme ça. Je pense que pour les gens, cela paraît étrange de n’entendre que de la voix, là où ils attendent des instruments. C’est un défi pour moi comme pour le public. Je suis très influencé par la musique industrielle des années huitante et certains trucs techno. J’apprécie le côté périodique des sons qui font réagir ton cerveau, comme le ferait un mantra.

- La manière dont tu utilises ta voix sur certaines parties évoque les chants des Touvas…

Oui, totalement. J’utilise ce type de chant très guttural assez similaire. Encore une fois, je pense que ma démarche va dans le même sens : celle de créer un mantra, une période. Je n’ai jamais rencontré de maître du chant Touva mais je serais enchanté d’en avoir l’occasion, pour voir comment ils s’y prennent pour chanter de la sorte.

- J’imagine que l’expérience doit être très différente de celle que tu connais avec Mayhem, dans la mesure où, sur scène, tu ne peux compter que sur toi-même. Comment le vis-tu ?

C’est intéressant. Chaque soir, il y a cette montée d’adrénaline : tous les regards sont tournés vers toi, tu ne peux pas te permettre de faire des erreurs car elles se remarquent immédiatement. Tout le show repose sur moi, alors j’essaie de m’oublier, de laisser sortir les sons. Je suis présent mais je suis aussi absent. J’envoie ma voix dans cette sorte de machine à voyager dans le temps. C’est dur de qualifier ce que je ressens. C’est une expérience, en tout cas. Comme tu le dis, ça n’a rien à voir avec un show de Mayhem où les instruments font beaucoup de bruit. C’est difficile pour moi de n’entendre que mon chant, de voir comment mes lignes interfèrent entre elles. Je n’utilise aucun effet ; ce que tu entends, c’est le son de ma voix. Mais je la passe dans une boucle et je découvre ce halo sonore que créent les différentes couches. J’ai baptisé ce projet Void Ov Voices car les voix amènent ce sentiment de vide.

- Comme tu le faisais remarquer plus tôt, Void Ov Voices fait vraiment sens en live. Penses-tu qu’enregistrer en studio représente un quelconque intérêt ?

J’ai enregistré quelques lives et je les sortirai peut-être un jour. Mais pour l’heure, je préfère que cela reste un projet live. De nos jours, tout le monde veut sortir un disque ou une démo mais je préfère le côté instantané du concert, voir comment les structures évoluent, de soir en soir. À chaque concert, le résultat est différent. La charpente est toujours la même mais elle me laisse beaucoup d’espace. Je pourrais agencer ces boucles selon un million de manières différentes.

- Ce soir, Kristoffer Rygg t’a rejoint sur scène, pour la première fois de cette tournée. Travailler avec d’autres chanteurs au sein de Void Ov Voices t’intéresse-t-il ?

Peut-être. J’apprécie les collaborations. J’ai ouvert pour Merzbow à Oslo (NdR : Derrière ce pseudonyme se cache le Japonais Masami Akita, l’un des parrains de la musique bruitiste, pour ne pas dire inécoutable). À la fin de son set, nous avons joué ensemble. C’était génial. Mais bon, ce n’était pas un chanteur. Ce soir, travailler avec Kris s’est révélé une expérience très positive et j’ai été extrêmement heureux et honoré qu’il me rejoigne sur scène. C’est l’un de mes vocalistes préférés. Pour nous deux, c’était quelque chose de nouveau. Nous n’avons pas répété. Nous avons seulement essayé quelques trucs lors du soundcheck, c’est tout. J’espère que nous pourrons remettre ça.

www.myspace.com/voidovvoices

Dave

Interview réalisée le 16 février 2010 à Bulle

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mis en ligne le : 22.06.10 par graber

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